« Il était une fois une orpheline qui vivait sous la coupe d’une belle-mère détestable obnubilée par son image. »

Chaque jour, la misérable adolescente se pliait vaillamment à ses mille volontés et aux caprices de ses deux abominables filles qui ne voyaient pas plus loin que le bout de leur iPhone. Ménage, repassage, cuisine, courses en ligne, Cendrillon faisait tout. Les toilettes étaient son seul refuge. Recluse dans cette cachette, elle soufflait un instant, rêvant d’une vie aussi belle que les photos Insta qu’elle faisait glisser d’un bout d’ongle rongé.

Un jour, le prince s’en revint au palais après une digital detox : revigoré, il lui fallait festoyer ! En sirotant un matcha latte, il proclama via TikTok, son héraut :

« Prêt à vivre une soirée de folie et pourquoi pas trouver LE match parfait 😏 ?
Ce sera la party de l’année. Inscris-toi dans ma bio ! »

Cendrillon cliqua, puis l’angoisse la saisit : elle n’avait rien à se mettre !

A cet instant surgit sa marraine qui, d’un coup de commande magique, fit apparaître une robe flambant neuve d’une grande banalité. Cendrillon fit la dégoûtée.

« Merci mais je ne vais pas porter ça. J’ai beau être pauvre, voilà des années que j’épluche les tendances… Et puis, moi, j’aime essayer. » Elle lui agita sous le nez des photos de visages parfaits : « Lena Mahfouf, Emma Cakecup, voilà mes influences ! Et maintenant, clama-t-elle, on file en boutique. C’est la robe d’une vie ! Faut la vivre, la tester ! Et oublie ta citrouille même pas bio, j’irai en trottinette ! » Déroutée, la fée soupira. Le soir-même, Cendrillon irradiait dans sa tenue Jacquemus seconde main et ses sneakers MoEa en fibres de pomme. Le prince ne vit qu’elle. Bien vite, les réseaux propagèrent des selfies des tourtereaux. Qu’en penser ? Du haut de leurs 20 ans, ils sont encore bien jeunes, mais il y a fort à penser qu’ils vivront heureux tout au moins en photo, avec ou sans enfant, pas forcément ensemble.

Alors, cliché, la Cendrillon Gen Z ?

Certes, mais que nous apprend-elle sur cette génération pourtant pas si complexe ? Sont « Gen Z » les individus mis au monde entre 1995 et 2009, première génération née dans le digital.

En 2024, les Z comme Zoomers, Zappeurs ou Zillenials représentent,
d’après Baines, 20 à 25% du luxe mondial, en dépit d’une forte décroissance sur l’année…

En cause notamment : des hausses de prix pas assez bien justifiées. Intéressant ! Quand la Gen Z n’aime pas, elle boycotte, explique Eric Briones, auteur de La génération Z et le luxe. Une prise de position déplacée ? Un greenwashing flagrant ? Ils vous jettent. Avec eux, jouez la transparence et restez droit dans vos bottes vegan, car les Z, qui usent et abusent de chatGPT au mépris des conséquences, aiment savoir précisément comment leurs produits sont fabriqués. C’est un fait, les Z placent l’artisanat sur un piédestal, se concentrant non seulement sur le savoir-faire mais aussi sur le comment-faire. Certains l’ont bien compris : De Beers se lance dans les diamants synthétiques, Chopard dans l’or 100% éthique ; chez Tesla, le cuir ne se veut plus d’origine animale. La Gen Z, génération affirmée, lève un loup : c’est beau, mais ne serait-ce pas mieux autrement ?

Chopard annonce qu’à partir de juillet 2018, elle utilisera 100% d’or d’origine responsable
pour tous ses bijoux et montres de luxe.

Et du répondant, la Gen Zen en a, car elle s’abreuve d’informations. Il est loin le temps où l’on vendait en deux minutes des Speedy Vuitton à des touristes pressés. Les Z étirent l’expérience du luxe comme un élastique, l’entament sur téléphone, la poursuivent en magasin et l’achèvent sur TikTok. A bas le mythe de l’achat en ligne. 74% des Gen Z le préfèrent en boutique. Auparavant, ils passent des heures à analyser, demander. Pas à leurs parents, non, aux influenceurs, aux clients, aux maisons elles-mêmes. Puis quand ils décident, il leur faut tout tout de suite. Le nouveau luxe s’est fait « app », affirme Kapferer, ponte en la matière. Autrefois, seuls les propriétaires d’une Bentley pouvaient vivre l’expérience maison. Aujourd’hui, précise-t-il, chacun peut la ressentir chez lui via son mobile. Car la Gen Z est communautaire : tout le monde doit profiter et être VIC. Communiquer, partager, créer du contenu pour happer et faire vibrer : les réseaux sociaux sont l’arme du futur. Mais ces histoires-là n’ont de sens que si elles s’écrivent sur mesure au sein de la boutique. L’expérience avant tout. En tant que VIC. Et pour tous.

Dernier point : le statut, luxe oblige ! L’expérience de vente se commence et se termine en ligne. La Gen Z étale son statut et son joli minois et en veut pour son argent. Le cher doit se voir. Comprenez que la valeur perçue doit dépasser le prix, insiste Briones. Conséquence logique : ils consomment le luxe dès l’adolescence, mais ils y entrent souvent par la seconde main. Ou la contrefaçon, danger à ne pas négliger, presque vue comme un statement.

Revenons-en à Cendrillon.

Elle entre dans votre boutique. Comment l’accueillez-vous ? D’abord, travaillez votre discours sur l’authenticité et la durabilité. Montrez-lui ce qui est beau, soulignez les détails, les origines, les provenances. Mettez-vous au niveau de cette cliente informée. Soyez tech. Prenez-la en photo. Puis, personnalisez. Oubliez le storytelling maison trop robotique. Place au storymaking, de l’histoire sur mesure ajustée à sa vie. Personnalisez votre discours mais aussi vos produits. Faites de l’unique. Cocréez. Donnez de la valeur. A votre produit comme à elle-même. Traitez-la comme une reine. Faites-lui vivre une expérience de contes de fées qu’elle écrira ensuite online en y rêvant encore. Car in fine, l’émotion reste au cœur du sujet.

Et vous, quelles sont vos astuces pour accueillir les Z ?