RACONTE-MOI UNE HISTOIRE #5

« L’artisanat ou la chanson de geste.»


Bienvenue à Goodwood. Ici, l’herbe insolente taquine de sa verdeur un ciel délicieusement anglais. Ici, tout n’est que calme, campagne et volupté. Pourtant, si vous tendez l’oreille, vous entendrez non loin vagir un moteur qui pour la première fois s’émeut.

Bienvenue chez Rolls Royce.

Poussez la porte de l’atelier et laissez-vous cueillir par l’ombre d’une Phantom. 60 paires de mains travaillent dans le silence pour lui donner naissance. Et Mark… Un pilier, quinqua souriant, héros d’un exploit qu’il accomplit sans sourciller plusieurs fois par jour et depuis des années. Mark peint, mais pas n’importe quoi. Il est « coachline painter », métier qui sonne si juste, pourtant intraduisible. Mark peint une ligne sur les six mètres de flanc du monstre sacré. À main levée. Sans règle. Sans support. Sans trembler. Sans éternuer. Sans déraper. En une fois. Et quand le challenge ne suffit pas, Mark peint deux jumelles parallèles, toujours à main levée. Sans règle. Sans support. Sans trembler. Quand Mark est souffrant, nul ne peut le remplacer. On attend. Car c’est cela, le luxe, prendre le temps. Au nom du parfait. Certains esprits chagrins ronchonneront que la main n’a pas de sens, qu’un robot ferait mieux. Chez Rolls Royce, on en rit, humour anglais oblige:

Every detail tells a story, and every story inspires greatness”.


Voilà leur réponse : la beauté du geste au service de l’exploit, de la splendeur ultime. J’appelle cela l’artisanat.

L’artisanat est au cœur du luxe, faut-il le rappeler ? Combien de personnes, qui prétendent avoir tout compris, jurent que le luxe n’est qu’un attrape-nigaud sans valeur réelle, destiné à plumer des clients trop aisés ? Qu’une marque apposée sur un sac suffit à en multiplier le prix ? Que nenni ! Le nom est le sceau du travail bien fait. Chez Berluti, la patine est appliquée à la main pendant près d’une heure trente. Chaque soulier est unique, même au sein d’une paire. Chez Christofle, on évoque 100 mains pour façonner un couvert, chez Lalique 80 au service d’un vase. Chez Chanel, on revendique 130 heures pour confectionner une veste en tweed et l’on baudruche à la main le million de flacons Chanel n°5 vendu chaque année. Oui, un million. Et sans rechigner face à la quantité. « Chaque objet de luxe devrait avoir une partie, même petite mais spectaculaire, qui est faite à la main, affirment Kapferer et Bastien. C’est cette dimension qui le distingue de la série, du monde sans surprise de l’usine. » Un aspect crucial qui montre encore que l’IA ne peut tout imiter. Car le luxe n’est pas de renoncer à l’essentiel et l’essentiel est dans la main qui le crée.

Derrière chaque création se blottit un bouquet de prénoms. Ici, chez Rolls Royce, Mark dessine les lignes et affûte ses pinceaux en poil d’écureuil, Marie a pensé les perforations qui dessinent des nuages sur les accoudoirs ; là, Emma a conçu ce sac à la poignée atypique qui exigera de Martine 85 minutes de travail uniquement pour son tressage. Chez Hermès, le sac est signé par celui qui le fait. Un chef d’œuvre. Le luxe est une chanson de geste qui nous narre les exploits de héros ordinaires aux doigts exceptionnels. Comme le soulignent Kapferer et Bastien,

« la fabrication du produit par un artisan fait partie intégrante du rêve et en constitue un élément majeur dès le début. »

À cela s’ajoute que rien ici n’est impersonnel et tout est communion.

Les équipes s’entraident et se serrent les coudes, tendues vers un sublime commun. Car oui, la responsabilité est de taille. Dessiner des lignes ne va pas sans angoisse. Mark le dit bien : il est le dernier à toucher la voiture avant sa remise au client. Entendez : a-t-il droit à l’erreur ? Puis-je gâcher le travail des autres par un trait trop brouillon ? Même pensée pour Régis qui contrôle la qualité d’un Birkin en porosus avant son emballage. Chaque main qui intervient se doit de ne rien rayer, rien abîmer, sinon c’est le travail de tous qui s’effondre. Patience, travail d’équipe et collectivité. Le luxe ou l’éloge de l’unité. Un pour tous et tous pour un. Voilà un adage bien français.

Constance, Eric, Emilie et Isaure

Chez The Wind Rose, l’artisanat est au cœur de nos préoccupations.

Tout d’abord parce que nous en parlons. Exit le temps où les formations vente se dissociaient des formations produits. On ne vend bien que ce que l’on comprend bien. Or, pour bien parler, le vendeur doit avoir vibré, avoir vu Mark peindre ses lignes, Martine tresser sa poignée et allons-plus loin, il a même dû essayer. Rien de tel qu’un petit passage express en atelier et des points de couture ratés pour en appréhender la complexité. L’artisanat est donc au cœur de notre sujet car nous recommandons sans cesse de l’intégrer dans les formations de vente. Avant, après, en digital, en salle, en atelier, en tannerie s’il faut. Pas de storytelling sans artisanat, et nous, les histoires, vous savez à quel point on aime ça. Et puis, l’artisanat est notre méthode. De même que Mark dessine une ligne unique pour chacun de ses clients, nous cousons sur-mesure nos supports pour les nôtres. La ligne n’est pas transportable d’une voiture à une autre. Pourquoi nos écrits le seraient-ils ? Votre maison est unique, votre savoir-faire et votre émotion aussi. Nous la recevons, nous l’analysons, nous la décortiquons, nous la retranscrivons et nous vous la rendons. Chez nous aussi, derrière chaque couture se cache un prénom. Constance taille les pans des projets, Emilie ajuste l’ourlet des cérémonies de vente, Éric brode la relation-client, Aurélie sculpte votre discours savoir-faire, Claire-Marine ajoute l’étiquette digitale, Fanny et Alex affûtent leurs pinceaux pour la touche finale. 14 mains et parfois plus qui brodent, surpiquent, lissent et vous rendent uniques.

Le luxe est une « chanson de geste » et nous parle d’exploits. Nos formations aussi, sinon comment leur faire honneur ? L’artisanat est notre grande passion.

Pour terminer en beauté, quoi de mieux que de vous faire vibrer avec Mark… Vous ne verrez plus jamais les lignes de la même façon…
Découvrez son talent ici : https://www.youtube.com/watch?v=YS4EwPHhYxg

Et vous, quels sont les plus beaux gestes d’artisanat que vous connaissez ?

 

Aurélie Leborgne
Juillet 2025

Références : J.-N. KAPFERER, V. BASTIEN, The luxury strategy: Break the Rules of Marketing to Build Luxury Brands, Kogan Page, 2012.
Crédits Images : © Rolls Royce

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