RACONTE-MOI UNE HISTOIRE #10 – Du conte de fées au conte de faits : place à la bienfaisance!
Un carrosse emporta les deux dames. Le maître observa ses équipes d’un œil malicieux. « Puisque ces clientes vont revenir, offrons-leur une surprise. » Et chacun de proposer un mot, une fleur, un geste. Un furoshiki ! suggéra Jun, ce tissu magique que l’on noue et dénoue, pour emballer ses effets et les transporter au gré de ses envies. Le maître donna carte blanche, et surtout carte bleue, à son employé qui revint bien vite avec deux furoshiki de chez Mitsukoshi. Le soir venu, lorsque les voyageuses reparurent, quelle ne fut leur joie de découvrir ces présents ! Charmées par cette incroyable gentillesse, elles s’inclinèrent, remercièrent et revinrent dès le lendemain acquérir leurs bracelets.
Keiko Furoshiki
Cette histoire est belle mais n’a rien d’un conte de fées, car elle est vraiment arrivée. Elle nous est narrée par Constance Calvet dans Non merci, je regarde[1]. Le RAK, ou Random Act of Kindness[2], que l’on traduira par « acte de gentillesse spontanée », est l’art de donner dans la joie, sans préméditation et sans rien attendre en retour. Un geste simple peut devenir mémorable, car, pour celui qui le reçoit, il va bien au-delà de la valeur de l’objet. Il est une reconnaissance, un signe de respect, une main tendue vers une relation sincère, le genre de petites choses qui font fourmiller le cœur et transcendent l’expérience en boutique.
Constance Calvet, « Non merci, je regarde »
« The smallest act of kindness is worth more than the grandest intention”
aurait dit Oscar Wilde.[3]
L’acte est la clé de voûte de la gentillesse. Jun s’est montré bienveillant, quand le maître, lui, s’est montré bienfaisant. Entre les deux, un océan. De l’idée à l’action, le gouffre peut être immense. La bienveillance est dans toutes les bouches et dans tous les esprits. Oui mais… étymologiquement, elle ne relève que d’une simple bonne volonté. Je veux bien faire, mais le ferai-je pour autant ? En aurai-je les moyens ? Le temps ? Me laissera-t-on faire ? Autant de questions qui sont des freins à l’action. La bienveillance est intention, quand la bienfaisance est action. Oublions l’image désuète des œuvres de « bienfaisance » des riches envers les pauvres et redonnons au mot ses lettres de noblesse. « La bienfaisance consiste à contribuer au bien-être de nos semblables ; la bienveillance est le désir d’y contribuer, soulignait le philosophe anglais Jeremy Bentham dès le XVIIIe siècle[4]. Un client entre, vous l’écoutez patiemment, le questionnez, lui offrez votre temps ? Allons plus avant : il fait chaud, apportez de l’eau ; il est chargé, libérez-le. Ses enfants s’agitent, offrez des coloriages. Il vous parle de son goût pour les macarons français ? Faites-lui en porter une boîte. Agissez avant que l’on vous sollicite, étonnez, surprenez, enchantez, pour que les contes de fées deviennent enfin des contes de faits.
Ainsi, pour pouvoir éclore en boutique et y prendre racine, la bienfaisance nécessite deux coups de baguette magique :
la confiance et l’autonomie
Le maître a trouvé en son équipe une force de proposition et les a laissés faire. Le cadeau en fut plus authentique, rendant fier notre Jun de son initiative. Plaisir d’offrir ou de recevoir, lequel est le plus beau ? Car Jun déploie ses ailes et se sent puissant, libre de chouchouter et de décider que faire pour plaire à ses clients. Une fois de plus, le Ritz nous montre la voie à suivre [6] : chaque employé doit avoir le pouvoir (et un petit budget) de satisfaire ses clients sans autorisation. Que deviendrait l’acte spontané s’il doit être validé par une myriade de supérieurs ? Où passe la gentillesse ? La joie de surprendre ? La liberté de choisir ? La bienfaisance n’est pas une allégeance, elle est l’essence d’une belle expérience.
Par un matin d’hiver, dans les brumes de la nuit, j’attends un taxi. Cinq heures, moins 10 degrés, Munich oblige, le froid me pique, le taxi n’est pas là, je peste. Des phares dans la nuit, il se gare devant moi, s’excuse pour sa minute de retard et me tend un gobelet, rayonnant : « J’ai pris la liberté de m’arrêter en route pour vous offrir un café ». Je n’aime pas le café, je l’ai pourtant bu jusqu’à la dernière goutte tant j’ai été touchée. Je ne l’ai jamais revu. Il ne cherchait pas à me fidéliser. C’était pure gentillesse.
Et vous, quels sont vos plus beaux exemples de gentillesse ?
Aurélie Leborgne,
Décembre 2025
–
[1] Alisio, 2024.
[2] Anne Herbert développe ce concept dans le livre Random Kindness and Senseless Acts of Beauty (New Village Press, 2017).
[3] « Le plus petit acte de gentillesse vaut mieux que la plus grande des intentions. »
[4] Déontologie ou science de la morale », La Bibliothèque hédoniste, 2006, cité par Delphine Jouenne, Associée co-fondatrice d’EnderbyN 25/12/2024, dans un article de Harvard Business Review, 25 décembre 2024, https://www.hbrfrance.fr/management/de-la-bienveillance-a-la-bienfaisance-en-entreprise-60875.
[6]Shep Hyken: Ritz Carlton Customer Service Tips, 2017: https://www.youtube.com/watch?v=2pM-beKX0Vk


Keiko Furoshiki
Constance Calvet, « Non merci, je regarde »


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